CITY ¤ Ezra L. Harrington

Ce n'est pas facile de faire un point sur sa vie. À 28 ans, on a d'un côté vécu tellement de choses et de l'autre tellement rien. C'est comme si on faisait un CV après deux jobs. C'est inutile et ça ne fait aucun sens, en plus. Et pourtant, à tout âge, on a forcément besoin à un moment ou à un autre de pouvoir réfléchir et regarder derrière soi tout ce que l'on a pu accomplir tout au long de notre vie. Ce soir, j'ouvre mes albums photos et mes carnets pour tout me remémorer. Chaque passage de ma vie.


La première chose que je vois, c'est dans le premier carnet que ma mère m'a offert. Des mots sont écrits en russe, un langage qui n'est pas donné à tous de comprendre mais qui s'avère être mon langage natal. Ma mère est de Saint Pétersbourg, et elle s'est installée avec mon père à l'autre bout de la Russie, côté Pacifique et Japon. Dans une très grande ville. C'est quand j'avais un an que je me suis retrouvé à ne plus être fils unique. Mon petit frère, Adrian, est né. J'étais super content. C'est quand j'avais cinq ans que les choses ont commencé à se gâter. Le soir, quand papa rentré, il avait bu. Beaucoup. Maman nous avait déjà fait mangé et on avait interdiction de sortir de notre chambre, sous aucun prétexte. Tout les soirs, on entendait maman crier, maman pleurer. J'avais envie de l'aider, mais Adrian me rappelait qu'on avait pas le droit de bouger.


C'est à mes quinze ans que j'ai décidé de faire quelque chose. Adrian autant que moi savions que tout les soirs, maman se faisait frapper. Mais nous n'étions jamais intervenu. On avait peur de se faire frapper aussi. Et pourtant, ce soir là, en entendant mon géniteur entrer en claquant la porte, je n'ai pas écouté ma mère. Je ne suis pas monté. Il a voulu me menacer. Il me regarder. Je sentais de la haine dans ses yeux. Une profonde haine que je ne comprenais pas. Il me disait de dégager, m'insultait. Ma mère pleurait, me supplier. Mais je ne bougeais pas, là, face à mon père. Entre lui et ma mère. Il ne la frapperait pas, ce soir. Ni plus jamais. J'ai poussé ma mère en arrière quand il a voulu l'attraper par les cheveux, et je lui ai mis un point. Je me suis battu avec mon père et ma mère l'a assommé en lui balançant une chaise dessus. Le soir, on était tout les trois dans un avion pour Saint Pétersbourg et le divorce était engagé.


Me voilà en Alaska. Je parle couramment quatre langues à mon actif, ayant été dans l'une des écoles les plus prestigieuses de Russie. Je suis ici à la fac. J'ai rencontré cette fille, Savannah. Comme moi, elle adore parler plein de langues, et le courant passe super bien entre nous. Je suis dans l'équipe de football américain et je m'amuse énormément. À la fin de mes études, je suis parti à Washington, gardant néanmoins contact avec l'excellente amie que je me suis fait.


Je lâche le téléphone, choqué. Mon frère est mort. Mon petit frère, que j'ai toujours épargné pour tout, a été assassiné. Une balle dans la tête, trois dans le corps. Aucun suspect, pas de poursuites. Je ne comprends pas. Et surtout, je suis en colère. Il était parti retrouver sa copine, alors pourquoi est il mort ?! Je décide de partir résoudre l'affaire moi-même si les flics de là-bas n'en sont pas capable.


Je regarde le dernier dessin en date sur mon carnet. Des palmiers qui sont presque couchés et un hangar sombre avec à l'intérieur une voiture. Il y a cette fille, qui va sans doute gâcher mes recherches. Elle était saoule, je l'ai arrêtée, on a baisé. C'était censé être aussi simple que ça. Et pourtant, ça ne l'est pas. Je ne sais pas pourquoi mais ça ne l'est pas. Mon chef a dit qu'elle a intérêt à être ma copine. Et pourtant elle ne l'est pas. Je ne connais même pas son prénom. Mais j'ai intérêt à vite la retrouver, si je veux garder mon job et trouver qui a fait du mal à Adrian.